Robert Ardouvin (1928 – 1997)
À 17 ans, Robert Ardouvin s’engage sous un faux nom dans la Légion étrangère. Parti dans le sud algérien, il revient six mois plus tard après avoir révélé son âge véritable. À son retour, il encadre des jeunes en libération conditionnelle dans des chantiers de déforestation dans les Vosges. Mais à cause des conditions d’exploitation de cette main-d’oeuvre en rupture de ban par les scieries pour lesquelles ils travaillent, il décide de partir s’occuper de garçons plus jeunes. En 1946, répétiteur dans une école et vendeur de journaux à Montmartre, il fonde une association de prévention pour les enfants de Montreuil, « Les amis des enfants de Paris », puis il ouvre une première maison au 150 avenue du Président Wilson en mai 1947. D’après le jeune éducateur Jacques Mazé qui le rencontre à ce moment-là, il se déclare, comme Fernand Deligny, foncièrement opposé à la formation des éducateurs dans les écoles de cadres. Tous deux, selon le même témoignage, chahutent la fin de la session 1948-1949 du centre de formation de Montesson.
C’est durant l’été 1948, au cours d’une colonie de vacances près des ruines du village de Vercheny-le-Haut dans la Drôme, village victime de représailles nazies, que Robert Ardouvin s’engoue pour son nouveau projet d’installation. Il parvient à acheter les ruines et les terres alentour, entreprend de reconstruire avec les jeunes les maisons du village pour y fonder une première communauté en octobre 1948. De 1954 à 1968, il donne corps à son projet pédagogique en construisant quatre maisons doubles où il installe huit ménages d’éducateurs, baptisés maîtres et maîtresses de maison. Ces derniers sont chargés d’y prendre en charge chacun une douzaine de jeunes rencontrant des difficultés sociales et familiales, tout en y élevant leurs propres enfants. Une école est aussi bâtie, qui bénéficiera d’un instituteur détaché de l’Education nationale. Pour parachever l’ensemble, il fait enfin appel à un disciple de Le Corbusier, le Suisse Hans von Moos, pour construire l’espace commun entre l’ancien village et les nouvelles maisons selon une architecture avant-gardiste pour l’époque, faite de béton et de baies vitrées.
C’est en songeant à diffuser son modèle qu’il crée une école de moniteurs-éducateurs, l’UPASEC, dans la plaine en 1967. Cette école fonctionnera jusqu’à la mort de Robert Ardouvin en 1997 et formera ainsi 400 éducateurs en 30 ans. Elle restera un expérience unique en son genre.
Texte : Sylvain Cid.
Source de l’image : fonds Jean Ughetto.