Pierre Compagnon (1920 – 2015)
Pierre Compagnon naît le 10 juin 1920. Il est fils unique. Il suit une scolarité primaire et fait remonter à la lecture du livre d’Alphonse Daudet « Le Petit Chose » son désir de s’occuper d’enfants. Pendant ses études secondaires à Charleville dans les Ardennes, il fait du scoutisme. Il poursuit ses études à l’Ecole Supérieure de Commerce et d’Industrie de Nancy. Il obtient son diplôme en 1939 et va faire un stage en Angleterre. La guerre éclate. En 1940, au moment de la débâcle, il participe avec les routiers du clan scout à l’évacuation.
Il se retrouve à Béziers où il propose son aide à l’hôpital qui accueille de nombreux blessés. Après l’armistice « Les Compagnons de France » sont créés à l’initiative de plusieurs mouvements de jeunesse. Pierre Compagnon suit un camp de formation en septembre 1940. Il est envoyé comme chef de compagnie pour assurer les vendanges avec une trentaine de jeunes séjournant dans les centres d’accueil. Puis c’est la fabrication de charbon de bois dans la montagne proche avec l’amorce d’un réseau de résistance et le lien avec l’Ecole des Cadres d’Uriage. Il participe comme cadre à un camp-école avec l’écrivain Maurice Clavel.
En 1942, lors de la dissolution des Compagnons de France, Pierre Compagnon est chargé de l’enseignement général dans la zone Sud avec la mise au point de programmes de pré-apprentissage et d’apprentissage. En 1944, il dirige un centre de pré-apprentissage installé dans le château du Centre national des Compagnons de France. Son épouse, Françoise, l’infirmière et la secrétaire sont les seules femmes de cet établissement. Ce centre sera repris par l’Education Nationale en 1946.
En 1947, Pierre Compagnon crée avec le Docteur Kohler de l’Association de Sauvegarde du Rhône un foyer de semi-liberté à Saint-Genis-Laval. Il fait alors la connaissance de Victor Girard et de Jean Ughetto (voir leurs biographies) qui viennent visiter le foyer.
C’est en septembre 1947 que Pierre Compagnon est contacté par Jacques Douai pour prendre la direction d’un établissement à La Roche-Guyon dont ce dernier assurait l’économat : en effet il préférait se consacrer à la musique, jouer de la guitare et aller chanter dans les cabarets. Cet établissement fonctionnait depuis 1946 dans le cadre du Service Social de la Marine, puis de l’Action Sociale des Armées. Les enfants étaient affectés par une structure centrale du Ministère des Armées. L’établissement était mixte et recevait des fratries.
À partir de son expérience auprès des jeunes acquise pendant la guerre, Pierre Compagnon va mettre en œuvre dans cet établissement des méthodes éducatives nouvelles. Ne pouvant scolariser les enfants dans l’école du village, il ouvre une école privée avec trois classes dans un baraquement livré par l’armée et, avec l’appui de sa femme, développe une scolarité qui s’inspire des méthodes Freinet, Montessori, Decroly. Les enfants vivent dans des groupes et sont logés dans des chambres avec la présence d’un ou deux éducateurs. Des ateliers d’expression fonctionnent sous forme de clubs (poterie, vannerie, photo, peinture libre…). Les enfants circulent librement dans le parc dont ils sont responsables. Un coin est réservé pour la construction de cabanes. Des animaux sont autorisés. En 1950 l’établissement accueille 32 enfants de 5 à 20 ans et l’effectif montera progressivement jusqu’à 70 enfants. Une section de pré-apprentissage fonctionne : bois, fer, électricité, dessin industriel. Dès les années 50, Pierre Compagnon fait intervenir des psychiatres et des psychologues. Françoise Dolto et Maud Manonni seront présentes dans l’établissement.
Il attache une grande importance à la culture et fait venir des artistes dans l’établissement. Jacques Douai sera évidemment l’un des plus assidus. Les enfants fréquentent le Théâtre National Populaire (TNP). Pierre Compagnon participe ainsi à l’essor de nouvelles prises en charge des jeunes dans un climat de confiance et de responsabilisation tout en tenant compte du traitement indispensable des perturbations subies par ces jeunes.
À partir de 1965, Pierre Compagnon qui est impliqué au sein de l’ANEJI et de l’UNIOPSS travaillera bénévolement pour le Bureau International Catholique de l’Enfance (BICE) avec l’Abbé Bissonnier. Après un congrès du BICE au Liban, il participe en 1963 à la création de l’Association Mondiale des Amis de l’Enfance (AMADE) sous l’égide de la Princesse Grace de Monaco. Il fera partie du conseil d’administration pendant quelques années. Au BICE, il est à l’initiative avec André Vial (Recherche et Promotion à Lyon) du Groupe d’Étude des Milieux Éducatifs Suppléant la Famille (GEMESF) qu’il présidera. Lorsque l’Abbé Bissonnier s’en retirera il présidera également la commission médico-sociale du BICE de1980 à 1992. Ces implications lui donnent une ouverture internationale. Pierre Compagnon prend sa retraite en 1987 mais reste actif au BICE et aussi au CNAHES, convaincu du devoir de transmission pour les anciennes générations. Il décède le 20 mai 2015. De nombreux anciens de son établissement sont présents pour l’accompagner.
Roger Bello