Jean-Claude Ferrand (1925 – 1997)
Jean-Claude Ferrand naît le 10 août 1925 à Kwala-Simpang (Sumatra – Indonésie). Il a la nationalité belge, son père, ingénieur agronome étant fonctionnaire international, membre de l’Académie Royale de Belgique.
Dès l’âge de onze ans, Jean-Claude Ferrand pratique le scoutisme chez les Éclaireurs de France. Ses études seront interrompues par la guerre et l’occupation de la Belgique par l’Allemagne nazie. À l’âge de 17 ans il s’engage dans la résistance, puis, volontaire, il est intégré dans le 11ème bataillon de fusiliers tankistes. En lien avec la 3ème Armée américaine, il participera à la campagne des Ardennes, d’Allemagne et de Tchécoslovaquie. À la fin de la guerre, il rejoint ses parents à Paris et obtient un baccalauréat scientifique en 1946. Il se lance alors dans des études de médecine qu’il abandonnera au bout de la 3ème année. Pendant cette même période, il a renoué avec le scoutisme : il est chef du groupe Lahire aux Éclaireurs de France et assistant du Commissaire de Province Paris-Sud.
Ces éléments biographiques sont importants car ils situent la double approche de ce fondateur. En effet pendant ces années d’étude, il a été en contact avec des personnalités médicales : les professeurs Dubois, en Belgique, Heuyer, Duché et Flavigny à Paris. Aux Éclaireurs de France, il fait la connaissance d’Henri Joubrel, de Jacques Rey (Éclaireurs Unionistes) et trouve un solide appui auprès de René Duphil, Commissaire des EDF. Il a pu constater à travers ses stages dans les hôpitaux combien ces structures sont inadaptées pour prendre en charge des jeunes présentant des difficultés dans le développement de leur personnalité.
C’est René Duphil qui va faciliter la réalisation des projets éducatifs de Jean-Claude Ferrand en l’orientant vers une propriété du Scoutisme Français située à Saint Lambert des Bois. L’achat de cette propriété va permettre la création de l’association Vers la Vie en 1951 et, en février 1952, l’ouverture d’un établissement qui accueille très rapidement une quarantaine d’adolescents. Il est dirigé par Jean-Claude Ferrand. L’encadrement est assuré majoritairement par des personnes issues du scoutisme et extrêmement motivées par ce projet. Ces personnes vivent sur place pour la plupart. Les faibles salaires sont versés irrégulièrement car le financement de la structure est précaire et ne sera stabilisé qu’avec l’agrément au titre des annexes XXIV du décret du 9 mars 1956 concernant la Sécurité Sociale. Nous voyons ainsi que le fondateur, compte tenu de sa fréquentation des milieux médicaux, se tourne plutôt vers la Sécurité Sociale et qu’il ignore l’ordonnance du 2 février 1945. Il est clair pour lui que les enfants qu’il reçoit ne sont pas des délinquants, même s’ils ont commis des délits, et qu’il s’agit davantage de les prendre en charge en leur apportant éducation et soins nécessités par leur état.
Jean-Claude Ferrand établit d’ailleurs de nombreux contacts avec des structures mettant en œuvre la psychothérapie institutionnelle (Jean Oury à la Clinique de La Borde, Paul Sivadon à La Verrière, Le Guillant à Vitry et aux CEMEA, Françoise Dolto…) mais aussi avec les institutions porteuses des courants de l’éducation nouvelle (Célestin Freinet, « Mamie » Soubeyran à Dieulefit…).
À partir de ces contacts, il met en œuvre avec ses collaborateurs une prise en charge des jeunes fondée sur quelques principes de base : une vie quotidienne partagée avec les jeunes, une pédagogie scolaire et professionnelle individualisée partant de leurs intérêts et de leur motivation, un développement des activités culturelles et sportives entraînant une réelle prise de responsabilité, un conseil de maison qui donne la parole à chacun, un appui psychologique et psychiatrique lorsque cela est nécessaire.
Non sans difficultés, il arrive à faire accepter par la Sécurité Sociale la notion de « loisirs thérapeutiques » qui va permettre de réaliser des activités à haute responsabilité dans lesquelles les jeunes vont découvrir leurs propres capacités : navigation, spéléologie, escalade, randonnée en montagne.
L’association va se développer progressivement en s’ouvrant aux secteurs justice et protection de l’enfance : foyers de suite, milieu ouvert, services d’accueil d’urgence, foyers pour jeunes mères célibataires venus de la fusion avec l’AEJM (Association pour l’Education des Jeunes Mères) en 1978. Cette fusion est menée de façon exemplaire et entraîne la modification de l’appellation de l’association : Vers la Vie devient l’Association Vers la Vie pour l’Education des Jeunes (AVVEJ) mêlant ainsi les deux sigles.
Jean-Claude Ferrand est en outre un promoteur de la vie associative. Il estime que cette forme institutionnelle permet souplesse et créativité à partir d’un fonctionnement démocratique refusant les membres de droit et faisant place aux salariés qui veulent s’impliquer dans cette vie associative. Il pense que les institutions publiques sont trop rigides, malgré des personnels souvent de qualité, car trop prises dans une réglementation tatillonne qui sclérose les initiatives. A travers son action au sein de l’UNIOPSS et de l’URIOPSS Île de France*, il met en garde les associations contre le péril de la réglementation et il revendique une réelle indépendance, indispensable aux initiatives d’un vrai travail éducatif. Pour autant il ne rejette pas un contrôle indispensable mais intelligent pour toute structure qui reçoit des fonds publics.
Jean-Claude Ferrand fait valoir ses droits à la retraite en 1983 et abandonne la direction de l’association. Il en deviendra le président en 1986 jusqu’à sa mort en 1997.
*UNIOPSS : Union Nationale Interfédérale des Organismes Privés Sanitaires et Sociaux ; URIOPSS : Union Régionale Interfédérale des Organismes Privés Sanitaires et Sociaux.
Texte : Roger Bello