Jacques Guyomarc’h (1917 – 2006)
Jacques Guyomarc’h a passé son enfance et sa jeunesse à Paris, dans le 15e arrondissement où habitait sa famille, d’origine bretonne, ainsi que celle de Juliette sa future épouse. Les deux familles étaient amies, et tous deux se sont connus très jeunes, mais jusqu’à l’année 1940, ils n’avaient pas envisagé de faire leur vie ensemble. Au moment de la déclaration de guerre, en 1939, Jacques est étudiant en lettres à la Sorbonne, et membre actif de la JEC (Jeunesse étudiante chrétienne). Il est alors mobilisé pendant 9 mois et se trouve à Nancy au moment de l’invasion allemande à laquelle il échappe de justesse. Rentré à Paris, il suit en 1940 le stage du Vésinet, organisé par le Secrétariat Général à la Jeunesse, qui rassemble des responsables de mouvements de jeunesse, chargés ensuite de susciter des écoles de cadres pour les centres de jeunesse où l’on espérait éviter que les jeunes ne soient embrigadés par les Allemands… Il est ensuite « chef de chantier » au Château de Sillery, à Savigny-sur-Orge, où l’on formait alors de futurs cadres.
Il épouse Juliette Portes le 11 octobre 1941. La même année, il est nommé par le Secrétariat Général à la Jeunesse à la Direction de l’école de cadres Ty Armor, en Bretagne, à la Haye-en-Mordelles. Après 18 mois de travail, Jacques fait alors un séjour au Centre de cadres de Marly-le-Roi, puis est nommé à l’école de la rue Dareau, qui forme des éducateurs.
En mars 1944 se crée en Bretagne la Fédération bretonne de sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence¹. Le 18 avril, Jacques en est nommé secrétaire général administratif par le Ministère de la Santé. Il reçoit la mission de créer un centre d’observation pour la jeunesse délinquante à l’hôpital psychiatrique de Rennes. En 1944, après la Libération, le centre d’observation est transféré à la Prévalaye, aux environs de Rennes, dans les baraquements occupés par les Allemands qui ont fait sauter avant leur départ le château datant du 15e siècle. Le C.O. de la Prévalaye ouvre le 9 octobre 1944, dans ces baraquements insalubres, sans eau, sans électricité, Jacques Guyomarc’h va aménager, avec l’aide de son épouse Juliette, un établissement dont il sera le directeur jusqu’en 1963. C’est une véritable épopée qui se joue là, comme dans bien d’autres endroits en France².
L’Association nationale des éducateurs de jeunes inadaptés (ANEJI) est fondée le 15 juillet 1947. Jacques Guyomarc’h en est le premier secrétaire général, puis le président de 1963 à 1971. Il occupe ensuite de nombreuses responsabilités dans le secteur de la protection de l’enfance : directeur du CREAI de Bretagne qui a succédé à la Fédération bretonne de sauvegarde, vice-président de l’Association internationale des éducateurs de jeunes inadaptés (AIEJI), président de l’IRTS de Bretagne. Puis en 1994 il fait partie des fondateurs du CNAHES dont il sera administrateur jusqu’à ce qu’il nous quitte.
À travers ces nombreux engagements au service de la jeunesse en difficulté et des éducateurs qui travaillent auprès d’eux, il a joué un rôle essentiel au plan national comme au plan régional. Il est un des témoins de ces générations de pionniers sans lesquels la prise en charge de la jeunesse en difficulté et la professionnalisation du secteur de l’enfance inadaptée n’auraient pu devenir ce qu’elles sont aujourd’hui.
Texte : Chantal Duboscq
Visuel : rencontre de l’AIEJI à Fribourg (détail de photo), 1950 (archives Jacques Mazé).
¹ Équivalent des ARSEA qui se constituent alors dans les différentes régions.
² Épopée racontée dans le livre « Elles ont épousé l’éducation spécialisée », Ed. L’Harmattan, 1999.