Titre de l’ouvrage :
« ALC…50 ans de préhistoire : l’Œuvre de patronage des enfants abandonnés ou traduits en justice et d’assistance aux détenus et libérés des Alpes-Maritimes. »
Auteur : Philippe Lecorne, Délégué Régional du CNAHES
Nombre de pages : 71
Date de création : 2020
Depuis 2017 s’est développée, autour du traitement de ses archives, une étroite collaboration entre l’association ALC et la délégation régionale du CNAHES (Conservatoire National des Archives et de l’Histoire de l’Education Spécialisée et de l’Action Sociale).
Le sigle ALC, au fil des époques, a connu diverses déclinaisons : si depuis 2019, l’identité adoptée est Agir pour le Lien social et la Citoyenneté, l’appellation d’origine de l’association, avant même que le sigle ne soit d’usage courant, date de 1959 : Accueil Loisir Culture.
Mais l’histoire d’ALC ne commence pas en 1959, puisque l’article 1 des statuts adoptés cette année-là précise que l’association s’appelle désormais « Accueil Loisir Culture » et qu’elle a été fondée en 1911 sous le titre « Œuvre de Patronage des Enfants Abandonnés ou Traduits en Justice et d’Assistance aux Détenus et Libérés des Alpes-Maritimes. ».
ALC ayant conservé quelques archives de cette première époque de son histoire, il est vite apparu le souhait, partagé par ALC et le CNAHES, de mieux connaître l’histoire de cette œuvre qui marque la véritable origine de l’association actuelle.
C’est pourquoi plusieurs membres du CNAHES se sont engagés dans la recherche de sources archivistiques complémentaires (Archives Départementales, presse quotidienne) permettant d’appréhender l’histoire de l’Œuvre de Patronage des Enfants Abandonnés ou Traduits en Justice et d’Assistance aux Détenus et Libérés des Alpes-Maritimes.
L’identité même de cette association du début du XXème siècle est révélatrice des deux champs d’intervention qu’elle entend couvrir :
- L’assistance aux détenus et libérés des Alpes-Maritimes
Il s’agit là, pour l’œuvre créée en 1911 de poursuivre l’activité d’une première œuvre, créée en 1897 par Amélie POLLONAIS, l’Œuvre des Détenus et Libérés des Alpes-Maritimes. Cette dernière adoptera des statuts en 1900, en vue d’obtenir une autorisation de fonctionner.
Cette préoccupation d’aide aux détenus et aux libérés passera au second plan dès lors que l’œuvre se consacrera au patronage des enfants abandonnés, mais elle constituera un fil rouge de l’activité de l’œuvre de Patronage, tout au long de son existence. Elle s’exercera sous des formes diverses : visites aux détenu.es, fournitures de chaussures et vêtements, aide à la recherche d’emploi, aides financières, etc. C’est, en quelque sorte, la préfiguration de la dimension « réinsertion sociale » des activités actuelles d’ALC.
- Le patronage des enfants abandonnés et traduits en justice
Le début du 20ème siècle voit la multiplication des sociétés de patronage poursuivant cet objectif. En sont les instigateurs les milieux judiciaires, magistrats et avocats étant particulièrement sensibles au sort peu enviable des enfants traduits en justice : même pour des délits parfois peu importants, tels le vagabondage ou la mendicité, les enfants étaient traités judiciairement comme des adultes.
Ces sociétés, dont certains membres seront des artisans de l’élaboration et de l’adoption de la loi de 1912 instaurant les tribunaux pour enfants et la liberté surveillée, visent d’une part à proposer un accompagnement et un accueil de l’enfant durant l’instruction de son affaire, d’autre part à prendre en charge les enfants que la justice leur confie pour éviter à ces derniers les affres de l’incarcération.
L’Œuvre de patronage des Alpes-Maritimes s’inscrit dans cette démarche. Créée en 1911 à l’initiative de son premier Président, Jérôme DORMAND, et, comme beaucoup d’autres, composée essentiellement d’avocats, elle ouvrira rapidement un asile temporaire destiné à accueillir les jeunes durant le temps de l’instruction judiciaire de leur situation et préférera placer les enfants qui lui sont confiés pour une durée plus longue dans des institutions tierces, les garçons à Frasne-le-Château en Haute-Saône, les filles au Bon Pasteur de Cannes.
L’Œuvre connaîtra des périodes fastes mais aussi des moments de crise.
Elle est reconnue d’utilité publique en 1920, durant la présidence de Me TESTELIN, qui succèdera au Président DORMAND, en 1918, au décès de ce dernier. Me TESTELIN se retirera de la présidence en 1922, la relève étant assurée par Jean SAUVAN, lui-même avocat.
Mais, en 1924, l’Etat remet en cause les placements en cascade que peuvent réaliser les sociétés de patronage auprès d’institutions tierces, et en pénalise le financement. Ceci conduira le Ministère de la Justice en 1927 à demander au tribunal de Nice ayant primitivement statué sur le sort des enfants confiés à l’Œuvre d’attribuer un placement différent aux mineurs confiés.
Bien que les visites charitables aux prisonniers continuent d’être assurées par le Comité des Dames, cette brutale remise en cause porte un coup d’arrêt à la principale activité de l’Œuvre, au point que son Président envisage même l’hypothèse d’une dissolution. L’assemblée générale de l’Œuvre, tenue en 1930, ne se résoudra pas à cette dissolution et un nouveau conseil d’administration sera élu pour relancer le cours normal des activités. A Jean SAUVAN succède alors à la présidence Me Bernard ISSAUTIER.
De fait, les années 30 verront un nouvel essor de l’Œuvre, cette dernière se dotant d’un lieu d’accueil « longs séjours » pour jeunes gens, où seront assurés, à modeste échelle, scolarité pour les plus jeunes et apprentissage pour les aînés.
Aucune source ne permet de connaître l’activité de l’Œuvre durant la seconde guerre mondiale. Néanmoins, cette période marquera un tournant dans la prise en compte de l’enfance dite, à l’époque, « irrégulière ». Se créent en effet dans les diverses régions françaises, des Associations Régionales de Sauvegarde de l’Enfance et de l’Adolescence (ARSEA), organismes semi-publics chargés de coordonner les actions, d’en améliorer la qualité et de contrôler l’usage des financements octroyés. Ces ARSEA génèreront la création de nouvelles associations gestionnaires à l’échelle des départements, associations ayant elles-mêmes une dimension semi-publique, avec des représentants des Pouvoirs Publics comme membres de droit et une ouverture sur le champ médical.
Même si certaines perdureront, le modèle des sociétés de patronage semble avoir vécu. Les activités de l’Œuvre se trouvent réduites aux seuls secours aux détenus et libérés, et à quelques concours financiers apportés à d’autres institutions prenant en charge des enfants de justice. L’Etat ne s’y trompe pas qui prend argument des activités réduites de l’Œuvre pour lui refuser des subventions pour des activités qui semblent se confondre avec les buts poursuivis par d’autres associations.
En 1949, c’est Me Maurice RANDON qui accède à la présidence tandis que Me Bernard ISSAUTIER est nommé Président d’honneur
En 1953, le Président propose à l’assemblée générale d’apporter un soutien moral et financier à plusieurs institutions, dont le foyer Montjoye, « foyer de prévention pour la jeunesse abandonnée ou en danger ».
C’est avec cette association, créée en 1947, que se noueront, au fil du temps, des liens de plus en plus forts.
En 1957, alors que les activités sont des plus réduites, une nouvelle fois est évoquée l’hypothèse d’une dissolution. Mais de nouveau, l’Œuvre rebondira. Des contacts se sont en effet noués avec l’association Montjoye. Lors de l’Assemblée Générale de 1958, ce sont des dirigeants de Montjoye (dont les deux fondatrices Jeanine PENNONE et Monique GILLETTA de SAINT JOSEPH) qui vont constituer le nouveau Conseil d’Administration et prendre en main le destin de l’Œuvre.
Ces administrateurs adopteront en 1959 de nouveaux statuts. Un décret du 3 janvier 1961 pris par le Ministre de l’Intérieur, Pierre CHATENET, au nom du Premier Ministre, Michel DEBRE, approuvera les modifications apportées aux statuts par l’Assemblée Générale du 4 juin 1959, l’article 1 précisant que l’association s’appelle désormais Accueil Loisir Culture.