Vendredi 4 octobre 2019, à Lorient (Morbihan), à l’occasion de la Nuit du Droit une exposition inédite sur une histoire méconnue mais passionnante :
Le Morbihan a abrité trois colonies pour mineurs : Belle-Île, Langonnet et Sainte-Anne-d’Auray. La colonie agricole privée de Langonnet est liée à celle de Belle Île, la colonie de Sainte-Anne-d’Auray a été asile, maison privée de correction pour jeunes filles « le Refuge », maison d’éducation pénitentiaire …
Asile, maison privée de correction pour jeunes filles, maison d’éducation pénitentiaire et, enfin, le Refuge : la colonie de Sainte-Anne-d’Auray, la plus méconnue des trois que le Morbihan a abrité ces deux derniers siècles, a accueilli jusqu’à 200 jeunes mineures. Difficiles et vicieuses
, elles étaient envoyées
soit par les familles, soit par l’assistance publique ou les tribunaux
, résumait le préfet d’alors. Condamnées pour vol, incendie volontaire et plus souvent vagabondage et mendicité, elles étaient occupées à des travaux de couture
, un cours supplémentaire d’instruction agricole leur étant dispensé à partir de 1887. Transféré de Vannes en 1868, cet établissement est géré par la congrégation des sœurs de Marie-Joseph. En 1906, le Préfet du Morbihan, qui lui-même emploie une jeune de ces jeunes filles, reçoit ses confidences : des sévices graves
sont infligés à de jeunes détenues. Trois religieuses sont condamnées, dont la supérieure, à des peines de 50 à 200 francs d’amende. Le Refuge ferme en 1908. Pendant la Première guerre, il fait office d’hôpital militaire. En 1919, la congrégation demande sa réouverture pour recevoir les pupilles vicieuses ou indisciplinées de l’assistance publique
. Refus du ministère. Les sœurs quittent le Morbihan.
Droit de correction paternelle
Cette histoire, les Archives départementales vont la conter au gré de l’exposition très temporaire, ce vendredi à Lorient dans le cadre de la Nuit bretonne du droit. Les Archives sont en effet le service versant de tous les fonds de l’administration judiciaire et pénitentiaire du Morbihan
. Les premiers documents collectés remontent au XVe siècle. Dans cette présentation, les archivistes Marie Géraud et Arnaud Guguin se sont concentrés sur les XVIII et XIXe siècles, rappelant que le Code Napoléon, en 1804, introduit la notion de droit de correction paternelle
qui va conduire nombre d’enfants et d’adolescents, bien qu’acquittés par la justice, dans ces trois colonies.
Trois ou plutôt deux car l’histoire de celle de la colonie agricole privée de Langonnet est liée à celle du bagne pour enfants de Belle Île. En 1879, un élu morbihannais écrit que c’est leur vice précoce
qui a conduit à Langonnet quelque 400 malheureux enfants
. On y forme de bons domestiques et de bons valets de charrues qui, lors de leur libération, sont très recherchés par les cultivateurs
. Leur instruction est sommaire, leur exploitation physique maximale : C’est en fatiguant le corps qu’ils achèvent l’apaisement de l’âme
, poétise le même élu. Qui relève les merveilles
accomplies alentour : les terres sont aujourd’hui couvertes des plus riches moissons
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« Soumis à la question… »
L’ouverture de la colonie agricole et maritime de Belle Île, publique cette fois, la condamne en 1880. Son histoire, plus récente car achevée en 1977, est plus connue des Bellilois, des Morbihannais. Cette histoire des colonies est passionnante
, concluent Marie Géraud et Arnaud Guguin. Ils disent aimer susciter l’étonnement à partir de l’histoire d’ici
, une histoire que les jeunes d’aujourd’hui n’imaginent même pas
.
Or, ils sont au centre de cette édition de la Nuit du droit durant laquelle on rappellera qu’au XVIIIe siècle, les enfants étaient considérés comme responsables dès 7 ou 8 ans, mineurs jusqu’à 25 ans. Mais qu’il n’y avait pas d’âge pour être soumis à la question, à la torture, pratiquée même sur quelqu’un déjà condamné à mort, pour qu’il dénonce ses complices
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