Anne-Marie de La Morlais (1893 – 1967)
Née à Dreux, Anne-Marie de Coynart est la fille du journaliste et écrivain Charles de Coynart (1863-1941). Devenue majeure au moment où se déclare la Première guerre mondiale, elle s’engage comme infirmière, puis infirmière major à la Croix Rouge et est affectée à l’hôpital du Panthéon à Paris. Elle est décorée en 1917 de la médaille des épidémies. En 1919, elle épouse le colonel Armand des Prez de la Morlais, futur général de brigade aérienne dont elle aura huit enfants, mais dont elle se séparera pour se dédier entièrement à son œuvre.
Elle est d’abord une membre active de la Croix-Rouge française dont elle devient la « dame commissaire de propagande pour le département des Côtes-du-Nord » (Ouest France, 17 mars 1938). Infirmière puis assistante sociale rattachée au tribunal de Saint-Brieuc, elle crée en 1937-1938 le service social de sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence des Côtes-du-Nord puis, en 1939, celui d’Ille-et-Vilaine installé au Palais de Justice de Rennes. Elle est en contact étroit avec les expériences parisiennes, puisqu’elle rattache dès 1939 ses services au Comité français de service social, dont le siège est 6 rue de Berri dans le 8e arrondissement.
En 1941, elle reçoit la visite de l’inspecteur général de l’enfance, Albert Rauzy, qui lui propose de devenir directrice technique régionale pour un projet de réorganisation de tous les services sociaux de la région. Si le projet échoue, un service social se structure dans les départements bretons qui en sont encore dépourvus. En août 1940, elle a surtout ouvert ce qui va devenir le centre de Ker Goat pour accueillir des enfants normalement justiciables de la prison. D’abord habilité par le secrétariat général à la Jeunesse, il est encadré par une équipe de jeunes scouts dirigés par Hubert Noël. En 1941, la résolution des difficultés du centre se fait au prix de la démission négociée d’Anne-Marie de la Morlais, jugée omniprésente et insuffisamment sélective dans l’accueil des garçons.
Nommée à la Cour d’appel de Caen pour y organiser le service social auprès du tribunal ainsi que deux maisons de rééducation, elle finit par obtenir une audience particulière du maréchal Pétain à Vichy et est chargée de « faire des cours de rééducation d’après son expérience et de créer une école de chefs-éducateurs ». Le projet n’aboutit pas, mais elle donne une série de cours de juillet à novembre 1942, publiés sous forme de brochure aux éditions de la revue Sauvons l’enfance sous le titre « Cours de formation de chefs-rééducateurs : 10 cours » dans lesquels elle défend la nécessité de créer des structures d’internat encadrés par des jeunes issus du scoutisme. En janvier 1942, elle fonde le Service social de sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence à Caen et tente de créer sans succès le pendant de Ker-Goat pour la Normandie. Le centre ferme en effet en 1943, dénoncé par la presse pour ses méthodes brutales.
Conseillère de la JEC et également proche de la JOC, elle s’engage alors comme assistante sociale auprès des prisonniers de guerre et tente d’aider l’aumônerie clandestine constituée auprès des jeunes réquisitionnés du Service du travail obligatoire en Allemagne. Arrivée à Berlin au printemps 1942, elle est dénoncée pour espionnage et arrêtée en septembre avant d’être déportée à Ravensbrück. Libérée en avril 1945, elle est nommée assistante sociale des armées alliées à Berlin à partir de 1946-1948. De retour en France, malade, elle se retire dans sa maison de Saint-Pair-sur-Mer.
Texte : Sylvain Cid, 2012 (en particulier d’après Mathias Gardet, A. Vilbrod, L’éducation spécialisée en Bretagne 1944-1984, Rennes : PUR, 2007).
Illustration : archives CNAHES.