Henri Lehmann (1922 – 2010)
Henri Lehmann est né à Strasbourg Neudorf dans une famille modeste. À 7 ans, il quitte Strasbourg pour Paris avec ses parents, passe son certificat d’études, puis reçoit en apprentissage une formation d’ajusteur-mécanicien et obtient un CAP en 1940. Mais c’est la guerre et, comme beaucoup d’Alsaciens, il se réfugie en Dordogne. Après l’armistice, de retour à Paris, il suit un stage de formation de cadre pour les centres de jeunesse, mais ce n’est qu’un bref passage dans ce secteur, et il trouve un emploi d’ouvrier dans une filature en région parisienne, tout en assistant à des cours du soir au CNAM pour améliorer sa formation. En 1943, il est envoyé par le S.T.O. en Allemagne, à Solingen, en Westphalie. Bénéficiant du statut de réfugié alsacien, il est à son retour recruté dans une usine de Clichy, dont le directeur est Jacques Rey, alors commissaire aux Éclaireurs Unionistes de France. Ce dernier l’envoie dans un centre accueillant des enfants, qui appartient à l’usine. C’est là qu’il va prendre goût à l’éducation des jeunes et rencontrer Elisabeth Fischer, assistante sociale, qu’il épouse en 1946. Ils auront trois enfants, dont deux suivront leurs traces, comme assistante sociale et directeur d’un IME.
Après la libération, il revient à Paris et est engagé à l’École Théophile Roussel, à Montesson (Seine-et-Oise à l’époque) par son directeur, Jean Pinaud, pour s’occuper des enfants en dehors des heures de classe ou d’atelier. Il suit alors les conférences du Méridien, organisées par Henri Joubrel, et les cours de l’École de Montesson, jusqu’à ce qu’il obtienne son diplôme d’éducateur spécialisé.
Rentré en Alsace, il est d’abord responsable d’un centre d’observation ouvert par l’ARSEA à l’hôpital psychiatrique de Rouffach, où il sera le premier éducateur spécialisé. En le recommandant à l’ARSEA, Jean Pinaud écrit à son propos : « Henri Lehmann est un éducateur de grande classe… qui a fait un travail magnifique à l’école Théophile Roussel ».
En 1947, il participe à la fondation de l’Association Nationale des Éducateurs de Jeunes Inadaptés, car il est conscient que cette profession nouvelle doit être organisée. Il en sera délégué régional pour l’Alsace et, en tant que tel, il signe en 1956 avec l’ARSEA un accord régional de travail, qui précède de peu les Accords de travail ARSEA-ANEJI de 1958. Il a également été membre fondateur de l’Association Internationale des Éducateurs de Jeunes Inadaptés, où sa connaissance de la langue allemande a été d’une grande utilité.
En 1948, il devient directeur de l’Établissement Oberlin, maison protestante d’éducation pour garçons, à La Broque, près de Schirmeck dans le Bas-Rhin. Il y restera vingt-quatre ans, avant de devenir, jusqu’en 1977, directeur de l’œuvre de Protection Infantile à Strasbourg, puis secrétaire général de la Fédération des Œuvres Évangéliques d’Alsace et de Moselle jusqu’en 1984, date de sa retraite. Parallèlement à ces fonctions professionnelles, il aura de nombreuses activités dans le secteur de l’éducation spécialisée : conseiller technique à l’ARSEA, participation à la sélection des élèves-éducateurs et aux jurys d’examen à l’école d’éducateurs spécialisés de Strasbourg, implication dans les stages de formation organisés par Henri Joubrel à Montry et Marly en région parisienne, assesseur au tribunal pour enfants, et bien d’autres… Convaincu de l’intérêt qu’a l’histoire pour la compréhension de l’époque présente, il est en 1994 le premier correspondant régional pour l’Alsace du tout jeune CNAHES, et il s’impliquera jusqu’à la fin de sa vie dans l’activité de sa délégation régionale.
Texte : Chantal Duboscq, à partir de documents communiqués par la délégation régionale Alsace du CNAHES.
Visuel : les « chefs » du Centre le Vieil Armand (photo Gaston Coeuignart).