conservatoire national des archives et de l'histoire de l'éducation spécialisée et de l'action sociale

 

L’Assiette au Beurre- Décembre 1908

 

Introduction

  

 

La Côte Méditerranéenne, depuis Marseille jusqu’à Menton…

 Son soleil, ses plages, ses odeurs de thym et de garrigue, le chant de ses cigales…

 la Provence, l’Ile du Levant, la Corse…

Pour beaucoup, ces lieux évoquent la douceur de vivre, les vacances, des moments paisibles et insouciants…

Mais sait-on qu’il y a plus de 150 ans, ces mêmes lieux ont signifié, pour de nombreux enfants et adolescents, l’enfer, la soumission à des traitements inhumains, à un arbitraire dégradant, à des sévices humiliants, à la faim, à la maladie et même, pour certains, à la mort ?

Sait-on que ces « colonies agricoles pénitentiaires », dont celle de Mettray est la plus connue, se sont implantées aussi dans notre région, à Marseille, près de Aix-en Provence, sur l’Ile du Levant et en Corse, à quelques kilomètres d’Ajaccio ?

Sait-on que des fonds publics alimentaient officiellement ces établissements au nom de la Justice d’Etat ?

Sait-on enfin que la mise en œuvre de tout cela est l’aboutissement de longs débats, éclairés par les Lumières et les idées philanthropiques ?

 

Nous entamons aujourd’hui un long travail de recherche sur les « bagnes pour enfants » qui se sont installés dans notre région au XIXème siècle. Nous irons sur les traces de l’Abbé FISSIAUX à Marseille et à Beaurecueil, sur celles du comte de PORTALÈS, à l’Ile du Levant, et sur celles de l’administration judiciaire d’Ajaccio… Ce travail s’étalera sur plusieurs mois, au travers d’articles qui paraitront périodiquement sur nos pages régionales…Il s’agira pour nous, non pas d’apporter des révélations sur ces évènements que plusieurs historiens ont déjà largement abordés, mais de sensibiliser nos lecteurs à un passé malgré tout peu connu.

   

Nous chercherons auparavant à comprendre comment, avec quels arguments et avec quelles problématiques à résoudre, nos prédécesseurs ont été amenés à concevoir le projet de « colonie agricole pénitentiaire » : nous consulterons dans un premier temps les débats et les confrontations idéologiques exprimés à ce sujet au sein de l’Assemblée Constituante de 1791. Nous ferons ensuite état des recherches et des écrits qui ont suivi pendant et après la Restauration, à une époque où le développement industriel s’imposait dans tout le monde occidental.  

Nous essaierons enfin de cerner les pouvoirs et les idéologies qui se sont confrontés, les expérimentations qui ont été menées, les certitudes et les doutes qui ont émergé…Et puis, bien sûr, il s’agira de mettre en lumière, autant que faire se peut, la réalité de ce que ces jeunes ont vécu…

  

Il s’agira enfin de réfléchir à cet incroyable paradoxe : comment les idées éclairées de la Révolution française et la mise en œuvre des idées philanthropiques du siècle suivant ont pu aboutir à un tel échec…

Car l’utopie des « colonies agricoles pénitentiaires « fut un échec…Les grandes idées humanistes imaginant avec enthousiasme transformer les prisons sordides en écoles d’apprentissage de la citoyenneté et de la vertu se sont heurtées à de dures réalités dont il convient à notre époque de repérer les éléments.   

S’appuyer sur ce passé pour comprendre notre présent et contribuer à construire l’avenir nous parait  indispensable : notre XXIème siècle ne considère pas la question de sa « jeunesse irrégulière » comme définitivement résolue.

Les récents discours de nos politiques et les interrogations des médias montrent en effet que nombre de questions des temps passés restent toujours d’actualité… : les concepts d’autorité, de «déviance », le mode d’enfermement des jeunes « délinquants », le rapport et la place de l’Etat vis-à-vis des familles, le rôle de la société envers ses « marginaux », tous ces thèmes abordés pendant les siècles passés résonnent actuellement de manière évidente.

Il nous semble d’autant plus important de repérer comment nos anciens ont abordé ces questions et quelles réponses ils ont cru devoir donner…

 Nous entamons donc aujourd’hui cette grande enquête.

Nos sources seront diverses : citons rapidement les plus sollicitées : les sites Retronews, Gallica, l’ENAP, le portail « enfants en justice » …de nombreuses autres, aussi, dont la liste serait trop longue, et que nous citerons en temps voulu.,

Nous irons fouiner aux Archives Départementales et Communales de la Corse, du Var, des Bouches du Rhône…Nous ramènerons des images, prises sur place, des différents sites actuels…

Bref, nous donnerons à nos lecteurs la possibilité de mener eux-mêmes leur propre cheminement. Notre souhait est de contribuer à ce que les étudiants d’aujourd’hui, futurs travailleurs sociaux, trouvent dans notre démarche de quoi asseoir leur réflexion et leurs pratiques de demain.

Mai 2024

Amandine SCAMPINI

                        Hugo FORTIN

                                     Christian BUREAU